Au fil des années, les techniques d’espionnage sont devenues de plus en plus sophistiquées. Le dernier en date consiste à utiliser les ampoules présentes dans une pièce pour écouter en temps réel les conversations qui y ont lieu et ceci à une distance de plusieurs centaines de mètres de la pièce.
Les recherches ont été faites par des chercheurs israéliens de l’Université de Néguev et de l’institut des Sciences Weizmann et le résultat s’appelle “Lamphone“.
D’après leurs dires, La technique peut être reproduite en utilisant un ordinateur portable, un télescope et un capteur électro-optique; le tout coûtant moins de 1000 euros. Grâce à ce matériel d’espion, on peut écouter en temps réel tous les sons de manière audible dans une pièce se trouvant à des centaines de mètres; en observant tout simplement les minuscules vibrations que ces sons créent sur la surface en verre d’une ampoule.
«Tout son dans la pièce peut être récupéré sans avoir à pirater quoi que ce soit et sans aucun appareil dans la pièce. Vous avez juste besoin d’une vue dégagée sur une ampoule suspendue; et c’est tout.» Ben Nassi, chercheur en sécurité à Ben-Gurion qui a développé la technique avec ses collègues chercheurs Yaron Pirutin et Boris Zadov.
Les conclusions de leurs recherches ont été présentées à la conférence sur la sécurité Black Hat en août passé.
Pour mieux comprendre, nous allons commencer par le début.
Quand nous parlons, nous émettons un son qui se propage dans l’air sous forme d’onde. Si on se trouve dans une pièce, ces ondes vont se propager dans toute la pièce et lorsque ces ondes sonores frappent la surface d’un objet, elles font vibrer l’objet. En analysant la réponse de l’objet au son, à travers ses vibrations, et avec un capteur approprié, le son peut être récupéré. Dans le cas d’une ampoule suspendue au toit, l’onde sonore fait vibrer l’ampoule. Seulement, ces vibrations sont si faibles qu’elles sont invisibles à l’œil d’un humain.
Ça a l’air facile à première vue mais en réalité il faut plusieurs expérimentations, des tonnes de recherche, l’analyse des résultats et l’optimisation des procédés pour arriver à un résultat probant.
Les chercheurs ont commencé par mesurer les vibrations de l’ampoule en reproduisant l’expérimentation en laboratoire.
Dans cette expérience, l’équipe a utilisé les haut-parleurs pour produire divers sons entre 100-400 Hz avec des volumes différents (70, 95, 115). Ensuite elle a utilisé un gyroscope qu’elle a fixé en dessous d’une ampoule (E27, 12 watts). Le gyroscope permet de détecter l’angle de vibration. Le gyroscope a été échantillonné à 800 Hz en utilisant un Raspberry Pi 3.
Grâce aux résultats d’analyse, l’équipe de recherche a pu conclure que le son affecte l’ampoule, la faisant vibrer à 300-950 microns entre la gamme de fréquence de 100-400 Hz.
D’autres expérimentations ont été faites pour pouvoir détecter ces microns en utilisant l’oculaire d’un télescope devant un capteur électro-optique Thorlabs PDA100A2, le tout dirigé vers l’ampoule allumée; et aussi déterminer si cette technique peut fonctionner avec toutes les ampoules.
Cette technique a effectivement fonctionné avec tous les types d’ampoule qu’ils ont testé. Toutefois, ils notent que le rapport signal sur bruit des ampoules LED et à incandescence est plus élevé que celui des ampoules fluorescentes.
Les microphones sont utilisés pour convertir les ondes sonores en signaux électriques utilisant trois composants principaux:
S’il faut appliquer le même principe à cette technique, le diaphragme est l’ampoule; et le transducteur est le télescope muni d’un capteur électro-optique Thorlabs PDA100A2. Les chercheurs ont ensuite utilisé un convertisseur analogique-numérique pour convertir les signaux électriques de ce capteur en informations numériques.
Les chercheurs ont voulu récupéré les sons venant d’un bureau situé à 25 m de leur position. Ça peut être celui d’un directeur d’entreprise ou d’un employé haut placé dans la hiérarchie de l’entreprise. Le bureau contenait une ampoule suspendue E27 de 12 watts. Ils se sont alors cachés sur un pont.
De cette position et à cette distance, il est impossible d’entendre quoi que ce soit de cette pièce avec la fenêtre fermée ou pas.
Les tests ont été effectués à l’aide de trois télescopes avec différents diamètres de lentilles (10, 20, 35 cm). Les chercheurs ont monté un capteur électro-optique (le Thorlabs PDA100A2 ; qui est un capteur de lumière à gain commutable amplifié composé d’une photodiode utilisée pour convertir la lumière en tension électrique) sur un télescope à la fois.
Le signal a été obtenue à partir du capteur électro-optique et converti via une carte CAN NI-9223 16 bits; ensuite le signal numérique a été traitée par un script qu’ils ont développé en laboratoire pour filtrer le bruit.
Ils ont ainsi pu reconstruire les enregistrements des sons à l’intérieur de la pièce avec une fidélité remarquable; comme ils le prouvent à travers l’interception d’un discours du président Donald Trump qu’ils ont joué dans le bureau. Le son intercepté a pu ensuite être retranscrite en texte en utilisant le moteur Google Speech to Text (reconnaissance vocale automatique).
Ils ont également pu récupérer la musique “Let It Be” des Beatles ; suffisamment clair pour que l’application Shazam puisse le reconnaître instantanément.
Vous pouvez écouter les sons interceptés en allant sur cette page, en faisant défiler la page vers le bas jusqu’à arriver aux images ci-dessus. Vous pouvez ensuite cliquer sur les boutons de lecture comme indiqué sur l’image pour jouer les sons interceptés.
La technique a néanmoins quelques limites. Les recherches se sont plus portées sur les ampoules suspendues au toit. Qu’en est-il des ampoules montées dans une lampe fixe ou un plafonnier ? Les bruits seraient bien plus élevés.
On note aussi que le capteur électro-optique et le convertisseur analogique-numérique utilisés lors des expérimentations; et tests sont relativement bon marché. Avec des équipements plus couteux et un financement étatique, je vous laisse imaginer les résultats.
Source : Lamphone
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